Complétistes Français : leurs secrets (Yves Berlioz et l’élevage des Louveaux)

Élevage Normandie
Cet article a été publié le : 17 janvier 2017 à 9h06
Complétistes Français : leurs secrets (Yves Berlioz et l’élevage des Louveaux)

Geoffroy Soullez et Sacré Louvo, par Papillon Rouge - photo Pierre Barki


A la une du THM (un nouveau magazine équestre Australien) de décembre / janvier, il y avait un gros dossier sur « le succès des complétistes Français : pourquoi ? ». Avec plusieurs interviews d’éleveurs, de cavaliers et d’institutionnels, ça aurait été dommage de passer à côté ! Nous l’avons donc fait traduire aux élèves du Master Rédacteur/Traducteur UBO à l’Université de Bretagne Occidentale pour vous livrer la version en Français ce mois-ci :

« Opgun Louvo est issu de Shogun II, qui est lui même issu du pur-sang Night & Day et d’une jument Anglo-Arabe par Garitchou. Il est issu par la mère du selle français J’T’Adore (un petit fils du grand pur-sang Furioso) et d’une mère Anglo arabe, issue elle-même de l’étalon Pancho par le fameux Nithard. Tout cela fait un cumul de 75 % de ‘sang’ (on entend par là de pur-sang ou d’arabe).

La championne du monde Sandra Auffarth a dit que c’était intéressant. Alors rendons-nous au Haras des Louveaux, chez Yves Berlioz, l’homme qui a fait naître le champion de complet alezan.

Un des plaisirs que l’on a à écrire sur les élevages, c’est la rencontre avec les éleveurs, enfin avec les vrais, ceux qui pensent autrement, qui sont passionnés et qui sont, il faut bien le dire, un peu excentriques.

J’ai été chaleureusement accueilli par Yves et son épouse, Elisabeth, laquelle appartient à la famille Brohier, bien connue dans le milieu de l’élevage. Comme je n’allais pas tarder à l’apprendre, les éleveurs doivent aussi avoir un pedigree, tout comme leurs chevaux, car ils forment une communauté familiale forte aux liens complexes.

Nous avons eu la chance. Les juments avaient été amenées dans un paddock proche afin d’être vues un peu plus tard par des visiteurs allemands. C’est un magnifique groupe de juments qui sont si bien proportionnées que ce n’est qu’en les approchant de près qu’on se rend compte de leur grande taille. L’une des plus grandes et des plus racées d’entre-elles se trouve être la sœur d’Opgun. Là encore, il y a une histoire…

Yves a acheté la mère d’Opgun, Vanille du Tertre, pour 500 € car personne n’en voulait sauf lui. « Elle était magnifique et de bonne lignée. Elle avait une tête splendide et j’en suis tombé amoureux… »

«Ma famille n’appartenait pas au monde du cheval, mais j’étais cavalier jeunes chevaux et la famille de ma femme faisait partie de ce milieu. C’est la fille de M. Jean Brohier, qui a produit de nombreux champions, comme par exemple Narcos II. Son grand-père, Alfred Brohier, était également un éleveur connu. J’ai dû arrêter de monter à cause de problèmes de dos, et nous avons lancé notre haras en 1989 avec des juments pas très chères mais avec beaucoup de sang. »

Avez vous toujours voulu élever des chevaux de complet ?

« Les chevaux que j’élève sont des chevaux de sang et c’est donc naturellement que nous nous sommes tournés vers le complet. »

Olympe Dumont et Aika Louvo - photo Pierre Barki

Olympe Dumont et Aika Louvo, par Orlando – photo Pierre Barki

Pourquoi vouliez-vous travailler avec cette race au moment où cela se faisait de moins en moins en France ?

« Une part de sang est essentielle pour obtenir de bons chevaux : ça apporte de la vitesse, de l’intelligence et de nombreuses autres qualités. Je ne vois pas la nécessité d’élever de grands chevaux, surtout quand on connaît le degré de technicité des épreuves d’aujourd’hui. Les épreuves modernes sont en phase avec le type de chevaux que j’élève. »

Vous êtes toujours en recherche du mélange parfait entre pur-sang, anglo-arabe et selle français….

« C’est une tâche difficile, cela demande de nombreuses recherches. J’ai une devise qui est : diversité des origines et proximité du sang. »

Et maintenant vous introduisez du sang Holsteiner dans votre élevage avec Ugano Sitte…

« C’est ce que je veux dire en parlant de diversité, je veux un apport de sang neuf par de nouvelles races. »

Anis Belhocine et Bugano Louvo - photo Sandra Villette

Anis Belhocine et Bugano Louvo, par Ugano Sitte – photo Sandra Villette

Qu’apportera le Holsteiner ?

« L’étalon est né en Belgique mais son géniteur vient du Holstein. L’atout du Holsteiner, c’est son modèle et sa bonne locomotion. Son point faible est qu’il n’est pas aussi facile que le selle français. Ce que l’on recherche, c’est le bon mélange. »

Ugano Sitte est issu d’un père célèbre, Clinton, qui est pur Holsteiner, mais sa mère, Ialta Sitte est à elle seule un mélange idéal. Hollandaise d’origine, elle est issue de Avontuur, un fils de Hugo Simon’s Little One (Jasper), et de Insel Sitte, par l’étalon selle français Major de la Cour et la célèbre jument hanovrienne Gute Sitte (par Grande). Cette dernière a remporté la médaille de bronze aux jeux olympiques de Montréal avec Eric Wouters.

« Nous devons introduire du Holsteiner mais avec discernement car il est important de garder les caractéristiques de nos chevaux français. »

Où vous êtes-vous procuré votre étalon de saut pur-sang Alcatraz’Jac ?

« Quand j’ai acheté la jument Tip Top ‘Jac, l’éleveur m’a dit qu’il avait également un étalon provenant de la même mère qu’elle mais qui faisait des courses. Quand l’étalon a été blessé, il m’a appelé et m’a dit d’aller l’acheter. C’était un cheval de steeplechase mais il a été blessé au début de sa carrière. Je l’ai gardé pendant deux ans. »

Yves Berlioz et ses chevaux - photo Ouest France

Yves Berlioz et ses chevaux – photo Ouest France

Le marché des chevaux de complet est-il en expansion ?

«Le marché international s’est beaucoup développé. Nous avons une demande très forte de partout dans le monde pour nos chevaux car ils sont très intelligents. »

Il est intéressant de constater que vous avez obtenu votre propre étalon anglo-arabe avec le concours d’un cheval arabe. Cela est-il dû à une pénurie d’étalons anglo-arabes ?

« Je compte utiliser ce poulain comme reproducteur : il a beaucoup du sang et il amènera de la force. »

Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi élevez-vous des chevaux ?

« Je ne sais pas trop… C’est très intéressant. Il y a toujours une grosse part de hasard dans l’élevage équin. Je ne cherche pas à produire les chevaux qui sont à la mode. L’élevage à visée commerciale est basé sur une vision à court terme. Mais l’Élevage avec un grand E prend beaucoup plus de temps. Je suis parti de rien avec peu de chevaux. Ensuite, je me suis diversifié et, à l’heure actuelle, j’ai pas mal d’options du fait de tous ces croisements différents. Si vous suivez la tendance en tant qu’éleveur, vous avez un large éventail à proposer à la vente au début, mais vous ne pouvez plus évoluer par la suite car vous aurez déjà fait le tour de la question. Je vais vous expliquer avec ce schéma. »

« Au début, j’ai eu plus de mal que les éleveurs qui font du commerce en suivant les tendances car ils proposent les chevaux à la mode comme Diamant de Sémilly, Kannan… Mais après, ils sont coincés. Ma technique c’est d’avoir plusieurs options… »

Anis Belhocine et Lucky Louvo, par Starsky de Brix

Anis Belhocine et Lucky Louvo, par Starsky de Brix

Rencontrer Yves et son épouse Elisabeth a été un immense privilège, mais il est déjà temps de repartir et de nous diriger plus avant vers ce bastion du cheval que constitue La Manche, jusqu’au Haras de B’Neville. C’est là que nous aurons le plaisir de retrouver Jean-Baptiste Thiébot, éleveur de Piaf de B’Neville, héros français des Jeux Olympiques de Rio. »

La suite demain…

Enquête de Christopher Hector, Traduit de l’Anglais par Florence Boscher

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Pour en savoir plus sur l’université Bretagne Occidentale https://www.univ-brest.fr/RT