Jean-Michel Boudard : l’ostéopathie (partie 2)

Sport
Cet article a été publié le : 02 décembre 2013 à 9h05
Jean-Michel Boudard : l’ostéopathie (partie 2)


Jean-Michel Boudard poursuit son exposé en expliquant les différents rôles de l’ostéopathe, qui ne s’arrêtent pas

à la simple manipulation du physique du cheval…

« Qu’attend le cavalier de la séance d’ostéopathie?

Certes, que le cheval soit libéré de ses tensions, mais au-delà du soin, le cavalier doit sortir de cette rencontre enrichi de nouvelles informations. Tous les commentaires sur le « ressenti » du cheval lui permettent de mieux comprendre sa monture et ses réactions lors de tel ou tel exercice. Certes, dans certains cas, la séance d’ostéopathie prend figure d’un coup de baguette magique. Ne nous y trompons pas, lorsque les lésions sont anciennes, fibrosées, associées à d’autres pathologies plus profondes, les soins ostéopathiques aideront l’organisme à trouver une meilleure solution, un meilleur équilibre. Sans pour autant rendre le cheval indemne de toutes irrégularités. Imaginons un cheval arthrosique, l’ostéopathie n’enlèvera pas les signes d’arthrose à la radio, mais si ces allures s’améliorent, alors le but sera atteint.
a) Les soins ostéopathiques visent à réharmoniser le cheval par différentes techniques allant de la mécanique à l’énergétique. Ainsi le cheval se rapproche du meilleur équilibre qu’il peut atteindre à cette période du soin. Il lui faut ensuite quelques jours pour intégrer ces nouvelles informations et éliminer les toxines accumulées depuis le début de ces problèmes. Mieux vaut prévenir que guérir. Par un suivi régulier, l’ostéopathe décèle et règle des petits problèmes avant qu’ils ne prennent trop d’ampleur.
Là ne s’arrête pas le rôle de l’ostéopathe :
b) Parler du ressenti
Lorsqu’un entraîneur ou un cavalier m’appelle, il attend que je régule son cheval, bien sûr et aussi que je lui parle de ce que je ressens de sa monture. C’est pourquoi je demande toujours que l’on me présente le cheval sans me dire pourquoi on me le montre. Je trouve cette pratique très riche, car ne sachant pas ce qui gène le cavalier, le bilan cherche tout ce que l’on peut trouver pour décrire ce que devait être la locomotion, la digestion et le comportement du cheval. Une fois exprimé ce que l’ostéopathe a ressenti, alors l’entraîneur exprime sa plainte. À ce moment-là, nous trouvons un lien entre le motif de la consultation et le résultat de la palpation. C’est alors qu’un plan de traitement puis de réadaptation peut être construit.
Parmi les préoccupations des cavaliers, une question m’est souvent posée au sujet des jeunes chevaux: mon cheval est-il précoce? Dois-je déjà commencer à l’exploiter ou dois-je attendre? Il est vrai que notre palpation donne des indices pour aider l’entraîneur à prendre la bonne décision. Partons d’un cheval équilibré en santé. Quels sont les facteurs qui vont faire qu’il ne peut plus s’adapter et que, petit à petit, quelques dysfonctions s’installent? La nature étant bien faite, il les compense. Si le travail se fait sans changer de paramètres, les dysfonctions augmentent, les compensations aussi, jusqu’au moment où l’organisme ne peut plus s’adapter et c’est la panne sèche. Ceci est vrai sur le plan mécanique, énergétique et aussi psycho-émotionnel.
c) Rendre le cavalier conscient et responsable
Cela consiste à impliquer le cavalier dans le suivi de la séance. C’est pourquoi l’ostéopathe doit donner des directives précises à suivre. Ceci pour potentialiser l’effet de la séance. Par une implication du cavalier en temps et en acte, je me suis aperçu que les résultats étaient meilleurs. Cela peut être par exemple de diminuer la ration du cheval pendant qu’il ne fait que marcher deux fois trente minutes quotidiennement pendant trois jours. Ceci afin d’éliminer les risques de « coup de sang » et d’éviter toute contrainte extérieure pouvant gêner la libération des tissus du cheval. Il convient d’orienter le travail hippique vers une cohérence par rapport à l’analyse biomécanique du cheval. L’ostéopathe propose au cavalier de trouver une solution pour que son cheval se muscle dans tel ou tel sens. Soyons clair : tous les cavaliers n’ont pas un forcément la technique suffisante pour bien travailler leur cheval. C’est pourquoi ils doivent se faire aider par un entraîneur.
d) Le suivi par le stretching
Lorsque je suis passé du suivi des sportifs de haut niveau au monde du cheval, ce qui m’a le plus interpellé était qu’il n’y avait pas de suivi type rééducation kinésithérapique après les soins. Toutes les équipes sportives, quel que soit leur niveau, pratiquent le stretching. Les statistiques montrent que cette pratique génère une diminution des récidives, des problèmes musculaires et articulaires. C’est pourquoi j’ai mis en place une technique de stretching adapté au cheval. Je voulais absolument que les utilisateurs puissent la pratiquer eux-mêmes, qu’ils trouvent une certaine autonomie face à la locomotion de leur monture. J’ai décidé de l’enseigner à tous les cavaliers et d’écrire le livre Le stretching pour votre cheval. Les témoignages que je reçois régulièrement suite à ces stages me renforcent dans cette direction. Je m’aperçois que bon nombre d’amoureux du cheval sont tellement heureux de trouver une relation différente en dehors du travail monté. La finesse de l’approche palpatoire, le vécu sensitif du relâchement d’un muscle entre ses mains, la sensation d’accompagner le cheval dans sa libération de tension jusqu’au soupir profond de sa monture sont des moments agréables de promiscuité relationnelle. La lecture par les étirements de ce que peut faire ou non le cheval, modifie inexorablement la manière de monter son cheval.
Ce sont des moyens majeurs au suivi de la bonne locomotion du cheval. Je demande fréquemment au cavalier de pratiquer des massages ou du stretching. Je leur montre ce qu’il faudra faire tous les jours et m’assure que le geste est juste. Par la pratique quotidienne du stretching, le cavalier suit l’évolution de son cheval, intègre d’une manière sensible et visuelle les limites de son cheval. Il sait alors ce qu’il peut demander à son cheval lorsqu’il le monte sans dépasser les limites qui engendreraient à nouveau une désorganisation du système. Cette pratique est quasiment une assurance de maintenir l’effet positif de la séance d’ostéopathie pendant la phase de réadaptation durant environ trois semaines. À quoi servirait-il de rééquilibrer le cheval si l’on ne change pas les paramètres qui l’ont bloqué?
Exemple : un cheval affaissé au niveau de son dos qui réagit au sanglage
Le bilan ostéopathique montre une hypersensibilité des épineuses du garrot, les muscles para vertébraux sont contracturés et douloureux, les muscles des épaules rétractés et chargés de toxines limitant les mouvements des antérieurs en avant. La séance aura libérée l’arrière-main bloquée, qui avait, certainement par compensation, chargé le travail sur les antérieurs. Je propose au cavalier de pratiquer des étirements sur les muscles des épaules et de masser les muscles du garrot. Tant que l’allongement passif des antérieurs n’a pas gagné en amplitude, le cavalier ne doit pas demander à sa monture d’allonger les allures d’une manière active. Le cheval, toujours volontaire, repartirait alors dans ses compensations et le problème reviendrait.
Il appartient à l’entraîneur et au cavalier de mettre en place un programme de travail visant à remonter la ligne du dos pour libérer la compression des épineuses du garrot et muscler les abdominaux. C’est un travail de réadaptation pour le couple cheval-cavalier. L’ostéopathe viendra faire un bilan trois semaines plus tard pour s’assurer que l’évolution va dans le bon sens et éventuellement parfaire le soin. »
Suite et fin demain…