Dossier TVA : quel avenir pour la filière ?

Divers
Cet article a été publié le : 07 octobre 2011 à 6h30
La conférence de presse accordée par l’organisme « l’Équitation en péril ! » mercredi 5 octobre au siège de la FNSEA a permis d’y voir un peu plus clair sur ce dossier complexe qui nous menace pour les mois à venir. Le Groupement était représenté par Serge Lecomte, Président de la FFE, Marianne DUTOIT, présidente de la Fédération Nationale du Cheval (FNC), Bertrand POCHE, président de la Chambre Syndicale du Commerce des Chevaux de France (CSCCF), Constance Popineau, responsable du service juridique à la FFE, Louis Sagot, représentant du Groupement Hippique National (GHN) et Maître Antoine Gabizon, en sa qualité d’avocat.
De quoi s’agit-il exactement ?
Le régime TVA de la filière équestre est aujourd’hui en France établit à 5 ,5% suite à l’intégration en 2004 des établissements équestres à une fiscalité agricole. Ce taux de TVA « réduit » est remis en cause par la commission européenne, leur argument étant que les chevaux de course, de manège, de compétition et de loisir ne sont pas destinés à être consommer. Trois autres pays européens ont déjà été condamnés cette année à modifier leur taux de TVA sur les ventes d’équidés non destinés à l’alimentation, tandis que la France est encore en cours de procédure. Cependant, la France est le seul pays à avoir été attaquée non seulement sur les ventes de chevaux, mais aussi sur toutes les activités équestres, telles que la pension, la valorisation, l’enseignement, etc. puisque c’est le seul pays à avoir harmoniser son régime fiscale dans ce secteur.

Où en est la procédure ?

Constance Popineau explique que l’État Français a déjà rendu à la Commission son mémoire de défense et que la décision devrait être rendue en novembre. « Mais aucune date n’a été clairement définie », précise-t-elle.

Quels sont les arguments défendus devant la Commission ?

Le principal argument proposé par Maître Antoine Gabizon, avocat, auprès des élus est de mettre en avant le caractère sportif de l’équitation. Dans cette optique, le collectif propose de modifier le code des impôts français afin d’inclure dans la liste des biens et services pouvant bénéficier d’une TVA à taux réduit les prestations correspondant au droit d’utilisation des animaux à des fins d’activités physique et sportive, ainsi que de toutes installations nécessaires à cet effet. Pour la FFE, « il s’agit d’une solution euro-compatible qui nous permettrait de maintenir une fiscalité adaptée, au service de l’emploi et de l’attractivité des territoires ». Cette proposition se fonde en effet sur le caractère sportif et agricole des activités équestres et les exceptions permises dans ce domaine par la réglementation fiscale européenne. Cela concernerait principalement les centres équestres, mais ne réglerait pas le problème des éleveurs, à moins qu’ils ne diversifient leur activité en mettant à disposition des terrains d’entraînement.

L’autre piste abordée pour les éleveurs serait de dire que lors de la première vente de leurs poulains, les éleveurs ne connaissent pas de manière certaine la destination de leur produit. En effet, ce passage à la TVA à taux plein signifierait de connaître la qualité de l’acheteur et ce vers quoi il destine le cheval qu’il achète, ce qui est loin d’être évident. En revanche, le taux à 2,10% appliqué sur les ventes auprès d’un particulier ou d’une association ne devrait pas être remis en cause puisqu’il était en place avant 1991, or la législation européenne ne peut pas harmoniser des taux en application avant cette date.

Quels seraient les répercussions d’un tel changement ?
L’application d’un taux de TVA à 19,6 % sur la vente de chevaux et les activités équestres aurait des conséquences désastreuses sur le pouvoir d’achat des Français, et plus largement, sur l’économie et l’emploi.

• Pour les citoyens :
– Perte de pouvoir d’achat pour plus d’1 million de familles et coup de frein au développement de cette activité largement démocratisée.
– Disparition d’un très grand nombre de centres équestres, obligeant les cavaliers à davantage de déplacements et donc davantage de dépenses.

• Pour l’emploi et les territoires ruraux :
– Mise en difficulté des entreprises équestres, acteurs majeurs de l’éducation sportive, de la préservation des paysages et de la sauvegarde des territoires ruraux.
– Faillite d’un certain nombre de structures, entraînant la disparition directe de 6 000 emplois et l’arrêt brutal de la création de 1 000 emplois pérennes chaque année.
– Moins d’entreprises, moins de chevaux : mise en péril de la biodiversité et du patrimoine génétique français.
– Encouragement au retour à une économie souterraine et défiscalisée pour une partie des opérations liées aux chevaux et à l’équitation.

« En attendant, que fait-on ? »

A la question directe de Florence Anselin, gérante d’un centre équestre en Seine et Marne, pas de réponse encourageante ne lui a été apportée. « Les voies qui s’offrent à nous sont étroites, et tant que nous n’avons pas la décision de la Commission, il nous ait difficile de nous projeter. », explique Antoine Gabizon.
Selon Louis Sagot, le GHN a d’ores et déjà constaté une stagnation des centres équestres en matière d’embauche : « Habituellement, nous observons l’été un pic saisonnier dans l’enregistrement des bulletins de salaire. Or cet été, ce pic a été quasi-inexistant. » En matière d’élevage aussi, « les saillies sont estimées pour l’année 2011 à environ 15 à 20% de moins que l’an dernier. », expose Marianne Dutoit. Les professionnels restent donc dans l’expectative, ne prévoyant ni embauche, ni grosses dépenses depuis plusieurs mois.

Et si la France est effectivement condamnée, quelles solutions s’offriront à nous ?

Une chose est sûre : le groupement refuse tout système de compensation financière, car cela entraînerait le passage d’une filière  »productive » à une filière  »subventionnée ». « Ce serait mourir à petit feux ! », exprime un membre du public. Un retour à avant 2003 serait une possibilité (pas réellement positive, on vous l’accorde!), c’est à dire que les centres équestres pourraient soit redevenir des associations loi 1901, soit ne plus avoir de salarié. Dans ces cas-là, la structure ne serait plus soumis à la fiscalité.

Qu’en est-il des autres pays qui ont déjà été condamnés ?
Il faut savoir tout d’abord que les taux de TVA en Europe sont loin d’être harmonisés et que le taux plein et le taux réduit en France ne sont pas les mêmes pour les autres pays.
« Pour l’Allemagne et la Hollande, qui ont été condamnées il y a déjà quelques mois, le taux plein de TVA sur les ventes d’équidés n’a pas encore été appliqué. « Nos voisins Allemands et Hollandais cherchent encore un moyen pour contourner ce problème. Nous avons d’ailleurs une réunion prochainement pour tenter de trouver une solution ensemble. », nous dit Serge Lecomte.

La filière équine en chiffre :
• L’élevage, le « maillon faible de la filière »
– 45 000 éleveurs
– 40% sont des agriculteurs avec le plus souvent une autre activité agricole
– Essentiellement de très petites structures, très dispersées dans le territoire

– Le cheval met en valeur 360 000 hectares d’herbe
– 700 000 équidés (sur 1 000 000) sont détenus en exploitations agricoles (élevages, centres équestres, écuries d’entraînement…)
– La filière cheval compte 40 000 emplois directs agricoles
– Le chiffre d’affaire moyen d’un élevage est de 15 000€
(Source institut de l’élevage – IFCE)

• Les centres équestres
– 3ème sport national et 1er sport féminin
– 700 000 licenciés
– Nombre de cavaliers en augmentation de 60% entre 2001 et 2010
– 1 million de familles pratiquent l’équitation ou en vivent
– 34 millions de Français pensent vacances équestres pour l’été
– 58% des pratiquants parcourent moins de 13 km pour se rendre à leur club
– Revenu net annuel moyen des cavaliers : entre 25 000 € et 30 000 €
– Seul sport fiscalisé en France
– Marge nette moyenne d’un centre équestre environ égale à 10% de son chiffre d’affaire

Pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait, nous vous invitons à signer la pétition, afin de montrer aux élus que la mobilisation de la filière est bien réelle : http://www.lequitationenperil.org

HF