Kamel Boudra : un éleveur atypique

Élevage
Cet article a été publié le : 25 octobre 2011 à 12h21
Kamel Boudra : un éleveur atypique


L’éleveur de Ramsa Villa Rose, meilleur Selle Français dans les 6 ans au Mondial du Lion le week-end dernier, nous parle de son élevage, de ses choix et de ses objectifs… Comme il le dit lui-même :

« Imaginer un champion c’est comme pour un peintre jeter ses couleurs sur une toile. C’est un acte de création fort. »

Êtes-vous un éleveur de CSO ou de Complet ?

« Pour l’instant, je suis plutôt orienté CSO, mais j’aimerais produire plus de chevaux de Complet. Récemment, Jeremy Beatrix m’a acheté une pouliche pour du Complet. N’étant pas du milieu à l’origine, c’est moi qui est construit cet élevage petit à petit et j’ai toujours choisi des mères avec un fort influx de sang (anglo ou pur-sang). J’espère que dans l’avenir je pourrai m’orienter un peu plus vers cette discipline que j’affectionne particulièrement. »

Comment choisissez-vous vos mères et les étalons ?

« J’ai deux critères pour les poulinières : qu’elles soient dans le sang et qu’elles aient de la famille proche à haut niveau. Par exemple, ma jument Divina Mail (par Galoubet A) est la grand-mère d’Ornella Mail, la jument de Patrice Delaveau et la tante de Kellemoi de Pepita.

Pour les étalons, c’est un peu plus compliqué. En fait je pensais quand je n’avais qu’une poulinière que ce serait plus facile quand j’en aurai plusieurs, mais maintenant que j’en ai 6, c’est encore plus compliqué ! En fait, il faut être capable de mettre un étalon qu’on aime pas forcément énormément, mais qui convient bien à la jument. Il m’arrive tous les ans de choisir ainsi un étalon qui est loin d’être mon coup de cœur. Pour les prochains poulains, j’ai mis cette année du Kannan sur Baie d’Ifrane, du Lando sur Divina Mail, du Baloubet du Rouet sur Rifrane Villa Rose et du Fakir de Kreisker sur Ironie du Reverdy. »

Faites-vous valoriser vos chevaux par un cavalier pro ou préférez-vous les vendre avant ?

« L’important, c’est de les vendre au bon moment. Sur le principe, je préférerai les vendre tôt, mais parfois il vaut mieux les valoriser avant pour obtenir la quintessence de notre investissement ! Dans ces cas-là, je n’ai pas vraiment un cavalier attitré. Un cavalier normand, Guillaume Blin Lebreton, s’est occupé de plusieurs de mes chevaux, mais en réalité, c’est plutôt le cheval qui me guide vers tel ou tel cavalier. Si je devais les faire commercialiser en Complet, je les confierai soit à Nicolas (Touzaint) soit à Eric (Vigeanel).

Kamel et Eric : débriefing après le cross!

Et quand vient le moment de les vendre, je suis attentif au bien-être de mes chevaux, même si je ne suis jamais allé jusqu’à refuser une vente. Ce serait une torture pour moi de voir un de mes chevaux se faire maltraiter ! Pour l’anecdote, j’avais vendu aux ventes Fences un cheval à la princesse Charlotte Casiraghi. Il s’avère qu’elle met tous ses chevaux chez Thierry Rozier et que le cheval est actuellement monté par un jeune cavalier, Michel Gruhn. L’ayant vu monté mon cheval sur un concours, tout en douceur et en décontraction, je suis venu le voir pour le remercier car je trouve ça formidable un cavalier qui respecte sa monture. Avec le temps, je ne supporte plus la moindre forme de violence. »

 

Montez-vous les chevaux de votre élevage ?

« Non ! J’ai déjà fait un peu de concours à petit niveau il y a quelques années mais en fait je n’aime pas particulièrement pratiquer. Je n’ai de toutes façons pas le temps de monter à cheval, je préfère 100 fois les regarder, les mettre en avant, les élever… ! »

Pensez-vous que votre élevage deviendrait plus tard votre activité principale ?

« Non, ça reste une activité secondaire pour moi. J’aimerais continuer au rythme de 4 poulains par an, comme en ce moment. En fait, je n’habite pas sur place, donc je vois mes chevaux assez peu souvent. J’ai la chance d’avoir quelqu’un sur place en qui j’ai toute confiance pour s’en occuper. En général, dès que j’ai une journée de libre, je fais l’aller-retour dans le Berry. Mais c’est compliqué, surtout pendant la période de concours, où tous mes week-ends sont pris. »

Que pensez-vous de l’élevage de Complet en France ?

« Selon moi, l’élevage de Complet n’est pas encore à la hauteur des débouchés. Sur les concours, il n’y a pas vraiment d’affixe qui domine. Il y a peu d’élevage qui ne produise des chevaux qu’en vue du CCE. Alors qu’économiquement, ce ne serait pas idiot. Aujourd’hui, tout le monde produit en CSO, mais un cheval de CSO moyen ne vaut plus rien ! En Complet, il y a un vrai potentiel, mais c’est sûr que c’est plus compliqué, car faire naître un cheval de Complet revient un peu à faire naître le cheval parfait ! »

Parlez-nous du cheval de course que vous avez acheté avec Nicolas Touzaint…

« En fait, c’est parti d’une visite professionnelle que j’avais faite avec Nicolas dans une écurie de course à Royan, chez Guillaume Macaire. C’était sublime et quand nous sommes rentrés, Nicolas m’a fait promettre que nous aurions un cheval de course dans un futur proche ! Nous nous sommes donc mis en quête d’un yearling, nous visitions quelques élevages et centres d’entraînements mais rapidement nous nous sommes rendus compte que notre incapacité à juger ces jeunes animaux nous empêchait de prendre la moindre décision. Nous avions donc mis en stand-by cette recherche. Et puis Guillaume Macaire me parle un jour d’un trois ans, blessé, que son naisseur ne désirait pas garder. Il m’a prévenu avant :  »Il lui faut au moins 12 mois de repos et 3 mois de remise en forme sans aucune garantie de le revoir sur un champs de course. » C’est un petit pur-sang du nom d’Adelaïde Square. Après un an de convalescence dans le Berry, il a repris l’entraînement depuis le début de l’année. Le 19 juin, il gagnait sa première course pour nous, un cross-country de 4500 mètres sous la selle de Steven Le Vot à Durtal ! »

 

Propos recueillis par Hedwige Favre