La machine à remonter le temps : Jean Teulère et Matelot

Sport
Cet article a été publié le : 24 août 2010 à 16h09

C’était le 17 octobre 2007, mais ce pourrait être aujourd’hui. A la veille du Mondial du Lion-d’Angers, Mathieu Coureau,  notre jeune, ex et talentueux confrère de Ouest-France, un quotidien qui a toujours largement ouvert ses colonnes à l’équitation, rencontrait Jean Teulère. Le Saumurois qui montait pour l’occasion Matelot du Grand Val. Dans notre série, « La machine à remonter le temps », comment résister à ne pas vous faire partager ce moment délicieux. Jean Teulère, le cavalier là où l’on ne l’attend pas toujours, mais prompt à répondre présent. Comme pour cette sélection au Mondiaux de Lexington. On a pas changé une virgule au texte original.

GF

« Je ne suis pas très sensible à la fuite du temps »

L’invité de la semaine… Jean Teulère. À 53 ans, le Saumurois d’adoption, champion du monde en 2002, fait son grand retour au Mondial du Lion-d’Angers, après deux ans d’absence. Ça lui a manqué.

Jean, à partir de jeudi, vous montez un 7 ans au Lion : Matelot du Grand Val. Parlez-nous de lui…

Je pense qu’il possède un très gros potentiel. Mais il est un peu fort, assez chaud, un peu trop bouillant. Cela dit, ces défauts se gomment petit à petit avec le temps, avec l’entraînement. Il devient pratique sur le cross et fait preuve d’une franchise formidable.

« Écouter son cheval en chemin, respirer avec lui… »

Vous retrouvez le Mondial du Lion après deux ans d’absence. Ça vous a manqué ?

Oui, bien sûr. Ce n’est un secret pour personne que de dire que cette épreuve, c’est beaucoup de choses mêlées… Une organisation exemplaire d’une part mais aussi un test très important pour nos jeunes chevaux. C’est leur première épreuve un peu longue, un peu technique. C’est important de les voir, de les jauger pour leur carrière future et aussi leur avenir commercial. Je regrette néanmoins une chose : que le Fédération se borne à organiser la finale qualificative pour ce Mondial du Lion (elle se déroule à Pompadour, ndlr) le même jour que les grandes échéances internationales. Cette année, il y avait le championnat d’Europe à Pratoni en même temps. Donc, pour qualifier des chevaux pour le Lion, il a encore fallu faire preuve de diplomatie avec les propriétaires pour qu’ils acceptent qu’un autre cavalier monte leurs chevaux. Ce sera pareil l’année prochaine. Pompadour tombe pendant le Ride de Deauville. C’est pénible.

A Pratoni Del Vivaro, vous avez vécu un championnat d’Europe particulier, cédant votre place en équipe de France aux jeunes.

C’est vrai. Je ne me suis finalement aligné qu’à titre individuel. Espoir de la Mare, que je croyais assagi, ne vieillit pas : il nous fait toujours des farces incroyables ! Il a commencé à Aix-la-Chapelle, puis à Vittel et enfin à Pratoni où il a été victime quelques semaines auparavant d’une leptospirose. Si tout était rentré dans l’ordre, on ne pouvait néanmoins pas mettre en jeu les intérêts de l’équipe de France. J’aurais été entraîneur, j’aurais eu la même attitude que Thierry Touzaint : il était plus prudent de le juger en individuel. Il faut accepter d’être au service de l’équipe.

On a le sentiment que vous vous effacez toujours derrière les chevaux.

Les bons chevaux sont rares. Il est primordial pour son propriétaire de conserver son capital. Il faut toujours être objectif au moment de faire un choix, ne pas se laisser dévorer par la passion. Ça ne sert à rien de courir pour courir.

Quel genre de cavalier êtes-vous ?

J’essaie toujours d’être le plus clair possible avec les entraîneurs, les vétérinaires et les propriétaires. Je pense que notre discipline a cet avantage qu’un cheval bien préparé peut courir vite et sans risque. Nous n’atteignons pas des vitesses colossales en complet. Mais cela n’empêche pas d’écouter son cheval en chemin, de respirer avec lui, de le ménager, de cibler les objectifs, de ne pas courir tous les week-ends. Encore une fois : les bons chevaux sont rares.

« J’ai l’impression de faire un beau métier »

Ce discours, c’est la force de la maturité, non ?

Pas seulement. Je me suis toujours placé du côté du plaisir, plus encore du côté du plaisir partagé. Ce plaisir ne faiblit pas. Je ressens toujours autant de bonheur à découvrir un jeune cheval, à m’amuser une semaine en Italie, à venir quelques jours au Mondial du Lion. J’aime avoir de la place. Définitivement, cette vie de complet me plaît. Beaucoup. Vivre dans de grands espaces, concourir dans des propriétés de rêve comme le parc de l’Isle-Briand… Et puis de toute façon, je ne sais pas me presser. Je ne suis pas très sensible à la fuite du temps. C’est peut-être cela la solution pour durer, non ? On snobe l’horloge en quelque sorte (il éclate de rire).

Même si vous vivez dans la campagne saumuroise, vous êtes Bordelais d’origine. La coupe du monde de rugby, vous appréciez ?

Oui, oui, beaucoup. Le rugby mérite d’être mieux connu. Cette coupe du Monde, en France, y contribue. Je crois que des gens comme Max Guazzini (président du Stade Français, ndlr) ont bien fait décoller les choses. On dit parfois que les médias en font trop. Peut-être. Mais pour moi, les rugbymen sont de vrais sportifs qui méritent de gagner leur vie à travers ce sport. Ce n’est quand même pas rien ce qu’ils font. C’est fort, c’est beau.

On vous sent décontracté en toutes circonstances. Ce n’est pas normal, ça ?

(il rigole) Il y a du bon stress qui fait que l’on s’applique. Du mauvais, qui fait que l’on oublie de réfléchir. Je n’aimerais pas être paralysé par un enjeu. Je pense être plus lucide aujourd’hui. J’ai l’impression de faire un beau métier, tout simplement.

Recueilli par Mathieu COUREAU.