Robert Maury « on ne forme pas assez les hommes au travail des chevaux »

Élevage
Cet article a été publié le : 16 avril 2010 à 7h06

C’est un avis. Il est sans doute possible de l’amender. Mais on peut reconnaître à Robert Maury de ne pas manier la langue de bois. Entretien.

Votre carte de visite ?

« Robert Maury, gérant d’un Haras, près de Lapalisse,  dans l’Allier. Je n’ai pas hérité de ma grand-mère, mais à la force du poignet, avec conviction, en 25 ans, j’ai choisi de devenir éleveur, étalonnier. Avec, une petite fierté : sur 120 hectares, je m’occupe de quelque 120 chevaux, dont trente poulinières et quatre étalons. Des chevaux très près du sang voués aux courses, au saut d’obstacles et au complet. »

Vous êtes donc un homme heureux ?

« Je ne me plains pas. Il existe tout de même une vraie problématique dans notre corporation : la non professionnalisation de ce métier d’éleveur. Un peu plus de 80%  d’entre-nous sont avant tout des amateurs passionnés. Ils injectent de l’argent et permettent au secteur de vivre.  Mais, nous souffrons tous d’un manque de directives nationales de terrain sur le suivi, la gestion et la formation des jeunes chevaux. Enfin, deux seuls sites en France ont été orientés sur le sujet : les Haras du Pin et Rambouillet. »

La France n’est pourtant pas orpheline de structures vouées au développement de l’équitation ?

« Exact ! La Fédération gère, sous tutelle du Ministère de la Jeunesse et des sports, la formation des cadres, le suivi des compétitions ; l’Ecole Nationale d’équitation joue en parallèle ce rôle, mais tout le monde ne peut aller ou résider à Saumur. L’élevage, sous l’égide du Ministère de l’Agriculture, est managé par les associations d’éleveurs et de race. La SHF, enfin, offre des circuits de valorisation pour nos jeunes chevaux. Où le bât blesse-t-il alors ? Il  n’existe pas de réelles orientation et structures professionnelles pour la formation des hommes au travail des chevaux. On ne s’interroge pas assez sur les qualités psychologiques et physiques à développer par le travail sur  le plat, le B-A ba ! Trop souvent le cheval est utilisé comme  « une mobylette » les seules compétences viennent des grandes familles de cavaliers qui ont acquis par expérience  « ce savoir faire ». »

Ce qui veut dire ?

« Que par rapport aux Allemands ou aux Anglais, pour ne citer qu’eux, on souffre d’un manque de méthodologie et d’orientation pédagogique des hommes pour former et éduquer les jeunes chevaux. L’éleveur s’occupe du cheval jusqu’à ses trois ans, et après c’est un peu au petit bonheur la chance. Suivant que l’on soit riche ou pauvre, encadrés ou non par des gens d’expérience. »

« On a des savoir faire, mais pas d’orientation pédagogique technique »

Vous avez des solutions ?

« Président du comité régional d’équitation Auvergne et du conseil des régions au niveau fédéral, je suis proche de Serge Lecomte. Et, cela fait deux ans que je l’interroge sur cette problématique. J’estime que la Fédération doit prendre en charge la formation des hommes au travail du cheval. On doit s’asseoir autour d’une table, pour mettre en place un vrai dispositif pédagogique au service de tous pour aboutir sur un diplôme, une certification ou une compétence reconnue de ce secteur d’activité. Une orientation que je verrais bien placée sous direction d’hommes, comme Serge Cornut, orfèvres dans ce domaine. »

Vous pensez que sans cela, on n’évitera pas la fuite de nos meilleurs produits ?

« Pourquoi le cacher ? Moi, le premier, je n’ai qu’une envie : c’est de vendre mes meilleurs chevaux à l’étranger. Je ne suis pas certain, aujourd’hui, en France, de recevoir tous les fruits de mon investissement : soit sur un plan financier, soit au niveau des cavaliers. Tous sont de véritables artistes, de vrais pilotes, mais leur travail au niveau dressage reste, pour leur grande majorité, assez substantiel. Il leur manque un mécanicien pour apprendre à construire la carrière d’athlètes de haut niveau de chevaux prometteurs. »

L’avenir de l’équitation sportive serait-elle sombre ?

« Je ne sais pas, mais je sonne le glas. Regardez la réalité en face. L’équitation loisir touche le zénith. La compétition club frise la saturation, même dans les petites régions Nos centres équestres tournent à la vitesse grand V, les adhérents y sont de plus en plus nombreux. Ces mêmes centres commencent à investir dans des carrières, sur des chevaux. Mais… »

Mais ?

« On se casse la figure, le mot n’est pas trop fort, en terme d’équitation sportive. On peut le constater, tous les jours, sur les concours d’amateurs ou l’ambiance devient difficile.

– dans les régions économiquement faibles la morosité règne diminution des partants entrainant l’annulation de concours, règlement inadapté pour les divisions Amateur et Pro

– dans les grandes régions c’est la course à l’armement pour trouver le cheval qui gagne.

Quand aux compétiteurs, il y a beaucoup à redire sur le style à cheval. Normal, quand l’essentiel, l’objectif à atteindre, restent de pousser le cheval de l’autre côté de l’obstacle pour franchir au lieu de sauter.

Dans ces conditions on aura du mal à alimenter  le renouvellement  des champions de demain avec nos jeunes cavaliers et leurs encadrant ! »

Recueilli par Guy FICHET