Dans la famille du complet : le menuisier

Sport
Cet article a été publié le : 23 juillet 2010 à 7h27
Dans la famille du complet : le menuisier


Du 21 au 24 octobre prochains, le Mondial des Jeunes Chevaux du Lion-d’Angers fêtera son quart de siècle. C’est dire si dans la petite cité, carte postale de l’Anjou, l’on s’affaire à préparer comme il se doit l’événement. L’occasion de faire fonctionner la machine à remonter le temps, de se replonger dans les archives pour tomber sur des trésors de rêve. Comme ces textes écrits pour le 20e anniversaire, en 2005, toujours aussi succulents et d’actualité, des portraits où les personnes croquées n’ont pris aucune ride. Exemple : Jacques Bouguier, le menuisier du Haras d’ Isle-Briand, constructeur du parcours de cross.

Le texte est de Michel Le Mouël, ancien journalistes à Ouest-France, et co-auteur du livre : « Vingt ans de passion partagée.

 G. F.

 L’artiste se joue de tous les obstacles

Le cross reste l’atout majeur du « Mondial ». Grâce au cadre magnifique de l’Isle-Briand, mais grâce aussi à la beauté des obstacles qui sont renouvelés régulièrement par un artiste à l’imagination débordante.

Tous les cavaliers habitués aux plus grandes compétitions l’affirment haut et fort : le cross du Lion d’Angers est parmi les plus beaux du circuit européen. Parce que le site de l’Isle-Briand se prête admirablement au complet… et surtout parce que les organisateurs apportent un soin particulier à la qualité de leurs obstacles qui associent rigueur technique et coquetterie frivole. « Tout dépend du saut que les responsables veulent imposer aux concurrents », souligne Jacques Bouguier qui met en scène les priorités pédagogiques des spécialistes équestres soucieux de l’éducation des jeunes chevaux.

En osmose avec la nature

Le menuisier des Haras nationaux, cheville ouvrière de cet habillage élégant qui accentue l’originalité du Mondial, tient à ce préambule franc et honnête. Lui ? Il ne connaît rien à l’équitation mais ses doigts de fée transforment un modeste fagot en précieuse pièce de musée. Quand il a été embauché, il y a presque 25 ans, c’était pour s’occuper des clôtures et des paddocks en bois. Pas pour piéger de jeunes cracks trop fougueux sur le chemin des JO. « Lors des premiers concours, on se contentait de piquer quelques pieux en terre ».

La réussite aiguisant l’ambition des responsables, l’épreuve se dépouilla très vite de ses oripeaux rustiques pour une tenue de gala digne d’un rendez-vous international. Jacques Bouguier, comme les autres, passa au vestiaire. Avec l’appréhension que l’on devine. « M. Weygan sut me mettre en confiance ».

En lui affirmant que ses obstacles faisaient croire qu’il avait été cavalier, le directeur du Haras de l’époque libéra complètement l’artiste dont la créativité a été astucieusement entretenue par ses successeurs et par les différents chefs de piste. Mais que l’idée vienne de lui ou qu’elle lui ait été susurrée par Jean-Michel Foucher ou Pierre Michelet, tous les mérites de la conception, de la faisabilité, et de la réalisation reviennent à Jacques. «Le travail commence sur le papier. Je dessine beaucoup pour bien me mettre l’obstacle en tête ».

Le menuisier sort le crayon avant la varlope pour mieux tenir compte de la topographie et de l’environnement. « L’osmose du complet avec la nature est très forte ». Si forte que les animaux et la vie de la forêt ne cessent d’alimenter l’imaginaire des artistes lionnais qui tiennent à renouveler cinq ou six obstacles par an pour mieux tenir le public en haleine. « Notre premier grand succès a été la famille de hérissons ».

L’imagination toujours en éveil

La chouette, la toile d’araignée, la sauterelle… sont venues compléter un palmarès qui sert aujourd’hui de catalogue à de nombreux concours étrangers en mal d’inspiration. « C’est de bonne guerre. Nous aussi, au début, nous sommes allés voir ce qui se faisait ailleurs ». Jacques Bouguier, ne se formalise pas du pillage dont le Lion est victime. « Les idées sont toujours bonnes à prendre. Ici comme à Badminton, Barcelone ou La Haye d’où nous sommes revenus avec des amorces de solutions à nos problèmes ».

L’artiste se formalise d’autant moins qu’il sait que le « copier-coller » cher aux internautes n’existe pas en menuiserie où le choix des bois conditionne la réussite finale. « Chaque obstacle est toujours différent. C’est ce qui fait le charme de ce travail ». Il sait aussi que l’inspiration ne risque pas de se tarir à l’Isle-Briand. « Tout le monde participe à cette créativité. Un objet décoratif aperçu dans une revue suffit parfois à stimuler une imagination toujours en éveil ». Que l’idée mûrisse lentement n’inquiète pas davantage l’intéressé ; depuis toujours, il ne compte pas son temps pour mieux transformer un vulgaire tronc d’arbre en créatures à la Spielberg.

Le succès du Mondial passe aussi par là.

A suivre : les débuts de Nicolas Touzaint.