Jacques Friant : »Nos chevaux manquent de culture CSO »

Sport
Cet article a été publié le : 30 juillet 2010 à 8h21
Jacques Friant : »Nos chevaux manquent de culture CSO »


Ce week-end, il défend son titre dans le Grand Prix du CSI*** de Dinard. Jacques Friant reste cavalier dans l’âme,

pour autant  il n’abandonne nullement son rôle de conseiller pour le saut d’obstacles au sein de l’équipe de France de complet. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, il fait toujours partie intégrante du staff  technique de Laurent Bousquet. Plus passionné et ambitieux que jamais. Sur l’écrin de verdure du Val-Porée, entre deux entrées en piste, il nous l’a rappelé avec force et conviction. Entretien !

On ne vous a pas vu sur les concours de début de saison. Est-ce à dire que votre collaboration au sein de l’équipe de France de complet est déjà une histoire ancienne ?

Pas du tout. Compte-tenu de la date de  prise de fonction de Laurent (Bousquet, l’entraîneur national), j’ai vu les cavaliers, en stage à Saumur,  juste avant le premier concours de Tartas. C’était un peu tard pour travailler sur le fond et imaginer des plans de bataille à long terme. Je les ai revus aux championnats de France à Pompadour où l’on a eu l’occasion d’échanger, encore et encore, d’imaginer un peu plus l’avenir ensemble.

 

Ce qui veut dire qu’il s’agit, pour l’heure, d’interventions ponctuelles. Entre vous et Laurent Bousquet, la trame de vos interventions n’est pas totalement définie ?

Cette saison, la chose s’avérait un peu compliquée. Après les championnats du monde à Lexington, je pense par contre que l’on réfléchira plus posément et tranquillement à des méthodes d’entraînements plus élaborées, plus suivies, notamment tout au long de l’hiver, en espérant que ma contribution soit des plus fructueuses. Je le répète, cette année, il s’agissait de ne pas trop perturber les cavaliers dans leur façon d’aborder cette spécificité qu’est le saut d’obstacles.

 

Nos chevaux doivent avoir la culture de l’abord

On a dit ici et là que ces cavaliers en avaient un peu bavé avec vous ?

Je pense qu’il ont été un peu surpris par ma méthode d’aborder le problème. C’est les commentaires que j’ai effectivement entendus. Je suis rentré dans le vif du sujet, j’ai dit les choses. Maintenant, surpris en bien ou en mal, je ne sais pas ? C’est à eux de me le dire.

Vous pouvez rentrer un peu dans les détails ?

J’ai essayé de mettre en place ou de leur proposer des méthodes pour arriver, dans cette approche du CSO, à quelque-chose de plus établi avec des normes, des codes à respecter. Maintenant, il y a des couples très performants qui ont leurs habitudes. Il faut laisser aussi du temps au temps, ne pas bousculer les uns ou les autres, ne pas rejeter d’un revers de manche le passé. Il faut s’en inspirer en y  apportant des correctifs. Dans leur grande majorité, les cavaliers ne font pas de ce CSO leur priorité. Ce concours de saut d’obstacles leur apparaît sans doute comme une discipline relativement plus simple à aborder que le dressage ou  le cross. Et pourtant !

En gros, a-t-on en France des chevaux bien dressés ?

On a des chevaux bien dressés. Ceci dit, en concours, la progression reste énorme. Il s’agit de l’addition de petites choses qui n’éclatent pas obligatoirement au yeux. Nos chevaux de complet pêchent dans les abords, le galop, la technique de saut pur. Ils ne s’articulent pas assez, à l’inverse des Allemands, la référence. Il y a toute une gymnastique du cheval à revoir, une culture de l’abord à inculquer.

Vous les avez pratiquement tous vus. Certains vous ont surpris ?

On connait tous les piliers de l’équipe de France. Mais, ce n’est pas leur faire injure que de reconnaître que leurs chevaux commencent à prendre de l’âge. A leurs côtés, on voit heureusement émerger de jeunes couples avec de la qualité. Les chevaux des militaires sont ainsi très intéressants : Didier Willefert, Donatien Schauly, Stanislas de Zuchowicz. Je parlerai aussi de ceux de Lionel Guyon, Maxime Livio…  Il existe, un potentiel et un réservoir intéressant.  Mais, mes remarques précédentes les concernent aussi.

Il fallait que Laurent s’impose comme étant le patron

Vous êtes entraîneur de l’équipe de France de complet ! A Lexington, vous envoyez une équipe de jeunes loups ou vous panachez votre sélection ?

Je n’ai pas à donner d’avis sur la question, ni de conseils à prodiguer. Laurent (Bousquet) est suffisamment compétent pour le rôle qui lui a été confié. On peut imaginer que de jeunes comme Donatien Schauly  soient du voyage. Qu’il est indéniable que la présence de Nicolas Touzaint n’est pas à remettre en cause. Mais, à un moment ou à un autre, il faudra apporter du sang neuf à cette équipe, trancher dans le vif. Et toute la question est de savoir si l’on peut parier sur des chevaux leaders, leurs cavaliers ne sont pas en cause, qui prennent tout de même un peu d’âge. Avec tous les pépins physiques que cela peut engendrer.

Ceci dit, toujours heureux d’endosser ce costume de conseiller près de Laurent Bousquet ?

L’expérience m’intéresse et accroît ma passion pour cette discipline, même si cette année on n’a pu adopter une organisation plus idoine. Mais, il faut reconnaissons que Laurent Bousquet ne pouvait mettre tous ses fers au feu en quelques mois. Il fallait qu’il impose sa méthode, voir comment cela fonctionnait, comment les cavaliers étaient réceptifs à son discours. En un mot, tout le monde l’attendait, qu’il devienne le patron. Je crois qu’il a pris aujourd’hui toutes ses marques, que tout ce met en place petit à petit. Ce n’était pas simple. Dès sa prise de fonction chacun regardait à droite et à gauche. Thierry Touzaint, le premier, a su quitter le devant de la scène pour lui faciliter la tâche. Pour lui, non plus, ce n’était pas simple. Non, franchement, je pense que tout le monde a envie d’aller de l’avant.

Recueilli par Guy FICHET