Jérôme Laclau : “Celui qui ne travaille pas ne mérite pas de gagner”

Portrait Nouvelle Aquitaine
Cet article a été publié le : 14 mai 2019 à 8h01
Jérôme Laclau : “Celui qui ne travaille pas ne mérite pas de gagner”

Jérôme Laclau - photo Luc Simonet


Jérôme Laclau est pour le moment en tête du Challenge des Coachs Amateur. A 42 ans, il est gérant du centre équestre Larretcheberria sur la côte basque à 10 km de Biarritz. Il se définit lui-même comme « moniteur, directeur, comptable et palefrenier » : il gère tout au sein de son écurie. Le Club compte 70 adhérents du galop 4 au 7, orienté vers le concours complet. Jérôme Laclau a une dizaine de cavaliers aux championnats de France de Lamotte-Beuvron à partir de la club 2 ainsi que des cavaliers amateur.

Il est issu d’une famille de cheval, de père en fils. « J’avais deux passions dans la vie : jouer au rugby et être jockey, mais ces deux sports n’étaient pas compatibles sur le plan physique, j’ai donc choisi le monde des courses. Je suis resté 3 ans dans une écurie de course puis j’ai repris la gérance de Larretcheberria le 1er janvier 2014. A l’origine, le club faisait de l’initiation de loisir mais je l’ai orienté progressivement vers le concours complet. Cela fait maintenant 22 ans que je suis professionnel dans ce milieu. », explique-t-il.

Depuis combien de temps enseignez-vous ? Avez-vous eu toujours envie d’en faire votre métier ?

“Oui, à la base je pensais reprendre la suite du club de mes parents et pour être à la tête de mon propre club. Après le collège, j’ai entamé des études professionnelles dans le monde des courses puis j’ai fait un BEP gestion comptabilité. Je suis un gaga du métier, je suis passionné grâce à mon père. Il m’a toujours dit: “fais ce métier avec amour et peut-être que derrière tu gagneras ta vie”. Le complet est une grande famille où tout le monde se connaît. Tout le monde est abordable même les cavaliers professionnels.”

Comment vous imaginez-vous dans 20 ans ?

“J’espère que je serai encore vivant ! J’espère pouvoir faire grandir mes enfants et leur payer des études. J’aimerais continuer de vivre dans le pays basque car cela reste un luxe, on a l’océan à côté, on est à 20 minutes de la frontière espagnol etc. Je suis né ici et je terminerai ici en continuant à vivre de ma passion. J’espère avoir toujours cette flamme qui m’anime pour continuer ce métier. J’adore l’enseignement, former les couples cavaliers/ chevaux, le travail à la maison…”

En tant qu’entraîneur, à quoi attachez-vous le plus d’importance ?

“Bonne question. Le plus important est la motivation du cavalier. Dans mon club il y a une majorité de filles et j’ai seulement deux garçons, comme la majorité des clubs, mon problème est d’arriver à maintenir les filles concentrées et éviter les sorties la veille des compétitions. Les cavaliers qui font le plus de résultats, ce sont les sérieux, passionnés, avec le couple qui fonctionne. Le sérieux et la motivation du cavalier sont primordiaux. Je ne lâche jamais jusqu’à l’arrivée en piste, mon but est de leur transmettre la gagne et la façon de bien travailler. Dans le concours complet, le dressage est la discipline à ne pas prendre à la légère. Même si on est sans-faute au saut d’obstacles et au cross mais qu’on fait un mauvais dressage, on n’est souvent pas dans le classement, il faut donc leur apprendre le goût du travail bien fait.”

Avez-vous d’autres élèves pas encore inscrits dans le Challenge ?

“Oui, deux autres, ma fille Léna et Karine Penne qui est 87e au classement avec 672 points. Elle apparaîtra au classement le mois prochain. J’ai aussi des cavaliers qui tournent en Club pour l’instant. Ils participent à des concours Amateur ouverts aux licences Club et après les championnats de France à Lamotte, ils prendront leur licence Amateur pour participer au Championnat de France à Fontainebleau. Ils rejoindront donc le Challenge des Coachs en fin de d’année.”

Karine Penne et Banbaka Philou à Tartas 2018 – photo P.Barki

 

Comment décririez-vous l’ambiance au sein de votre écurie et votre rapport avec les cavaliers ?

“On a une superbe équipe avec les parents et les cavaliers. Comme la discipline, ce qui prime c’est l’esprit de famille et la cohésion. Tout le monde se connaît, tout le monde se dit bonjour. On a plusieurs lieux d’échange: on a un club house pour les parents qui veulent regarder les cours, on se retrouve pour prendre l’apéritif, etc. On a un groupe WhatsApp pour organiser la logistique avant les concours pour savoir qui ramène quoi (boissons, salades, merguez etc.) On est une grande famille et tout le monde s’immisce dans la vie du club, lorsqu’il y a un anniversaire: la personne ramène un gâteau. Il y a des apéritifs après les concours et sur le concours on a des tables, une plancha pour réunir tout le monde.

Ayant toujours voulu jouer au rugby, je retrouve ici l’esprit d’équipe car même si c’est un sport individuel, on gagne et on perd ensemble, pas juste le cavalier. On gagne avec le coach, le cheval, le cavalier, les parents, le maréchal, le vétérinaire, la grand-mère, etc. J’aime le partage et je tiens ça de mes parents. La Larretcheberria, c’est une équipe.”

Depuis combien de temps suivez-vous et entraînez-vous Laura Maisterrena, votre cavalière de tête ? Comment la décrierez-vous ?

“Cela fait 5 ans que je suis et entraîne Laura. Elle ne fait pas de sortie avant un concours et elle vient tous les jours au club. Je lui ai prêté un poney, Babylon Night Graves, mais il fallait le débourrer, le dresser et tout ce qui s’ensuit. Elle venait donc tous les jours pour s’en occuper et à réussi à obtenir tous ces résultats. C’est LA cavalière de concours, un peu maniaque (ses cuirs sont toujours faits) et elle a son caractère. C’est une très bonne élève même à l’école, elle a eu son baccalauréat avec mention et elle gagne parce qu’elle travaille. Elle ne part jamais en vacances et son cheval reconnaît même le bruit de son scooter lorsqu’elle arrive. C’est la cavalière de complet par excellence. Elle peut s’entendre avec tous les chevaux.

Elle vient de recevoir les résultats de ses tests à Saumur, qu’elle a réussi, elle part donc en septembre, je suis donc triste car je ne la verrai plus mais c’est bien pour elle car je sais qu’elle va réussir dans ce milieu. Si elle décide de gagner elle va se donner les moyens pour et elle va le faire. Ce n’est pas une basque pour rien, têtue mais dans le bon sens !”

Laura Maisterrena et Babylon Night Graves, gagnante de la Finale des 7 ans Amateur 2018 à Lignières – photo P. Barki

 

Comment se passe le coaching avec votre fille, Léna ? Est-ce que vous fonctionnez de la même façon avec votre fille qu’avec les autres cavaliers ?

“C’est toujours délicat pour faire comprendre à sa fille qu’il y a le coach en concours et lors des entraînements mais aussi le papa une fois à la maison. On est plus dure avec ses enfants qu’avec les clients. Quand elle gagne, elle est heureuse et moi aussi mais quand elle se plante, l’ambiance s’en ressent à la maison. Elle aime la compétition et elle est sérieuse. Elle est au collège en ce moment donc j’espère que ça va continuer et qu’elle restera comme elle est.”

Comment envisagez-vous de la faire progresser davantage ?

“Je ne compte pas l’obliger à continuer les concours ou quoi que ce soit, je fais en fonction de sa demande. Si elle veut avancer, j’irai dans son sens, mais pour le moment ce n’est pas son truc de faire du haut niveau. Elle monte, elle se fait plaisir et il n’y a pas d’objectif à long termes pour le moment. Elle aurait pu débuter les internationaux cette année mais elle doit passer son brevet. Elle aura donc cet objectif d’aller en 1* plus tard. Tant qu’elle se fait plaisir, c’est le principal.”

Quel est le dernier conseil que vous dites à vos cavaliers avant de rentrer sur la piste ?

“Tout dépend des cavaliers, ils sont tous différents. Il y a des cavaliers qu’il faut décontracter, certains qu’il faut motiver mais ceux qui me font le plus stresser ce sont ceux qui partent “la fleur au fusil”. Tout dépend également de l’enjeu: si c’est un championnat ou un concours “lambda”. Ils doivent rester concentrés, parfois on échange pendant le tour de cross, ils me confirment que le tour se passe bien. Je reste toujours à côté d’eux, je vérifie que le chrono est bien mis à 0, je leur donne quelques conseils comme de relever un peu la nuque avant le dressage, etc. Malheureusement, on ne peut plus rien dire quand ils rentrent sur la piste, puisque les aides extérieures sont pénalisées. Avant qu’ils rentrent en piste, je confirme ce qu’on a dit à la reconnaissance, il ne faut surtout rien changer au dernier moment.”

Tout coach a une phrase ou un conseil récurrent, quel est le vôtre ?

“Celui qui ne travaille pas ne mérite pas de gagner”. Je bannis l’expression de Pierre de Coubertin “L’important, c’est de participer”, car on va en concours pour gagner.

Êtes-vous anxieux lorsque vos cavaliers sont sur la piste ?

“Je suis très anxieux lorsque mes cavaliers sont sur la piste. Le plus compliqué pour moi, c’est qu’on ne peut plus rien faire pour eux. Je ne peux pas rester arrêter quand un cavalier passe, je fais les 100 pas, mais je me demande pourquoi cette barre tombe, pourquoi il a bien réussi etc. car c’est avec ses erreurs qu’on apprend. Je suis un éternel anxieux et insatisfait et je le serai toujours. J’aime vivre à 100 à l’heure. J’aime quand on gagne des titres mais parfois le plus dur est de les conserver.”

La famille Laclau autour de Léna au Championnat de France 2018

Quel est votre concours préféré ?

“Je dirais Tartas, car c’est le plus proche et c’est “notre jardin”. Je n’aime pas trop les grands concours, j’aime bien quand il y a une bonne ambiance, je suis très famille. Je privilégie l’accueil, le sourire, un bonjour, un apéritif offert, les soirées cavalières, etc. c’est ce qui m’intéresse le plus.”

 

Nina