Le carnet de bord de Rafael Mazoyer

Portrait
Cet article a été publié le : 14 novembre 2012 à 18h24
Le carnet de bord de Rafael Mazoyer

Rafaël Mazoyer - crédit Pixizone


Alors que l’International du Pouget commencera demain matin, Rafael Mazoyer revient sur ses 10 dernières années au Domaine des 3 Fontaines et comment il en est venu à l’organisation de son premier International. Un récit sous forme de journal qu’il a rédigé la nuit dernière spécialement pour nous et qu’il nous livre avec humour et pertinence. A lire sans modération !

J-10 ans

Je viens d’accepter, après avoir passé 12 ans à mon compte, la proposition d’Hervé Cilia, le Président de l’association « Les Cavaliers des Trois Fontaines », de prendre la direction du centre équestre existant depuis déjà 10 ans. Mon rôle en tant qu’instructeur (BE2), salarié,sera bien évidemment l’enseignement, la gestion administrative, la formation professionnelle, le suivi et l’entrainement des couples en concours, l’organisation des compétitions. Je débarque au club le 1er septembre 2002 avec 2 chevaux, ma selle… et ma roulette.

J-9 ans

Les Trois Fontaines organisent leur premier concours officiel. C’est l’époque des 4A et 4Abis. Le cross se déroule sur 5 hectares pris sur les 48 hectares du domaine départemental. Une bonne partie est encore exploitée par un agriculteur privé. Je vais mettre plus de 3 ans à découvrir toutes les possibilités de tracé notamment car certaines parties au bord du fleuve Hérault peuvent être qualifiées de jungle et totalement inaccessibles à cheval. Je me rends bien compte par contre que plus on se rapproche de la rivière plus la qualité du sol est bonne voire exceptionnelle.

J-8 ans

Nous franchissons déjà une marche en organisant des épreuves anciennement nommées « classe C » (3A, amateur 1 GP en nouveaux francs !).

J- 7 ans – novembre 2005

Le centre équestre vient d’investir dans un tracto-pelle. Je suis complètement débutant dans la conduite des engins de TP. Contrairement à ce que l’on pourrait croire le plus difficile est souvent de réaliser une surface plane. Je transforme bien vite mon essai de remise à plat d’une partie de la piste en la création d’un coffin … Nous trouvons cet obstacle vraiment impressionnant.Les chevaux aussi ! Lors de la réalisation du plan officiel de l’épreuve 3A j’ai nommé cet obstacle, avec une idée derrière la tête : « le coffin de la B de 2006 ». Aujourd’hui, trop petit et étroit cet obstacle n’est plus sauté depuis plus de 3 ans.

J-3 ans

Longuement, patiemment, je vais mettre plus de 4 ans à façonner les pistes du bord de la rivière. Incalculable, le nombre d’heures, le nombre de bénévoles, les litres de fuel et toute l’énergie consommée. Que tous ceux qui m’ont aidé, soutenu, supporté ainsi que tous ceux que je pourrais oublier, si je devais les citer, soient remerciés aujourd’hui.

J-2 ans

Je lance l’idée, lors d’un conseil d’administration de l’association, de franchir un palier l’année d’après, en créant un concours international. Le verbe créer est important : on ne passe pas d’un concours Pro1 à une épreuve internationale. On arrête les nationaux et on crée un concours avec un label international avec toutes les contraintes que cela suppose. Nous allons mettre 2 ans à les découvrir.

Je suis persuadé qu’il faut à tout prix organiser dès la première année un label une et deux étoiles pour inciter les étrangers à se déplacer. La période du mois de novembre me semble idéale. Cela fait plusieurs années que nous organisons à cette époque, le sol du cross, qui peut vite durcir en situation estivale est excellent en novembre. En effet, la période des fortes pluies, caractéristiques « des versants sud du Massif Central » et autres « épisodes cévenols » comme les météorologistes les appellent, se situe plutôt sur la période fin septembre, début octobre.

Un comité d’organisation est constitué et une date est posée à la Fédération Equestre Internationale. Lors du CCI** de Lignières-en-Berry, je rencontre Pierre Le Goupil qui officie comme chef de piste. Son coté chef de piste / tronçonneuse à la main me plait beaucoup. Ses parcours également.

Malgré tout le talent que l’on peut accorder à Pierre Michelet, je pense qu’en France nous n’avons pas assez de variété dans la conception des parcours. Le contact passe bien avec Pierre Le Goupil, il est en plus de la même génération que moi donc … place aux jeunes !!!

Mon niveau de prestation en concours, notamment grâce à mon partenaire Orphée de Lathus, me permet de promouvoir notre concours et de démarcher les meilleurs cavaliers français et étrangers. J’en profite pour adresser tous mes remerciements au propriétaire d’Orphée pour son soutien et sa confiance pendant cette année faste.

J- 1an … et quelques mois de sueur en plus.

Les travaux de préparation du cross n’avancent pas aussi vite que je le voudrais. Mais difficile de concilier la (es) vie (s) de directeur, entraineur, formateur, cavalier et ouvrier spécialisé. Je ne parlerai pas ici de vie privée mais je suis sûr que beaucoup de femmes de cavaliers n’auraient aucun mal à imaginer ce que l’on pourrait écrire. Je me contenterai d’adresser, pudiquement, toutes mes pensées à la principale concernée.

J-1 ans et 2 mois

Il n’a pas plu, et la situation devient critique. Jusqu’à mi-octobre le cross c’est l’Arizona ! A son arrivée, 3 semaines avant l’échéance, Pierre grimace. Un bon point tout de même, il est descendu (dans le sud de la France « cong » !) avec son Aéravator. Appareil que l’on peut qualifier de magique, qui décompacte le sol, et que tout organisateur devrait posséder …. Allô la fédération, une petite aide serait la bienvenue !

Le système de promotion, l’agence de presse que nous avons choisi et le soutien de Didier Dhennin ont bien fonctionné. Les demandes de participation (françaises et étrangères) vont bon train. L’équipe se met progressivement en place et l’investissement des salariés du club est total .

Le 15 octobre la pluie tant espérée commence à tomber … et ne s’arrêtera plus.

Inutile de lasser nos lecteur à ce stade, mais que chacun sache que construire 2 parcours d’environs 50 obstacles au total, sous une pluie quasi incessante, voire torrentielle, c’est aussi dur pour le moral que pour le physique. Forcément on prend du retard, la boite du tracto nous lâche, des frais de locations, sablage, aide en personnel sont engagés. Nous n’irons pas plus loin, chacun connaît la suite : l’Hérault que j’avais vu une seule fois en 10 ans inonder la plaine du cross, nous programme une rediffusion 5 jours avant la visite vétérinaire. 2 mètres d’eau en moyenne ; les pistes situées sur les bergesen bordure du fleuve sont noyées sous 8m d’eau !

La mort dans l’âme nous annulons le concours.

Une année à jouer avec la calculette…

Petit message spécial : tout notre soutien aux organisateurs du Mondial du Lion. Vous saurez rebondir. Nous serons tous là en 2013 et à cheval je l’espère, si Siniani de Lathus veut bien jouer.

J – 6 mois

La course contre la montre commence.

Autant profiter de ses erreurs : dès l’hiver nous avons restauré une partie des pistes emportées par la crue. Cela va prendre 6 mois de travail et beaucoup de jour de repos sacrifiés. Nous arrosons le parcours de cross, avec un enrouleur,100 m par 100 m, tout l’été. Le terrain est régulièrement tondu, hersé et sablé. Le parc d’obstacles acheté à Pierre Le Goupil sert pour les épreuves Pro Amateur et Elevage d’avril et les obstacles inachevés sont finis quelques jours avant le concours. Les cavaliers de la région auront été les premiers à bénéficier des obstacles internationaux.

Si certains membres du comité d’organisation se sont démotivés, d’autres ont trouvé leur place et au final chacun est d’accord pour dire que même annulé, le concours précédent nous a servi de bon brouillon pour l’organisation. Il ne manquera que l’expérience dans la gestion de la dernière semaine.

Un petit « gloups » tout de même : l’implantation d’une étape du Grand National à Saumur, sortie du chapeau, une semaine avant notre concours, risque de nous priver du gratin français.

J- 3 semaines

A l’arrivée de Pierre, nous sommes fiers de lui présenter le cross dans un bel écrin vert émeraude.

Je vais passer 15 jours comme chef de piste assistant, une période hyper formatrice. Impossible de décrire la minutie et la précision du « gars » (alias Pierre Le Goupil). Un seul exemple :il m’a fait déplacer 3 jours d’affilée le « teckel » d’entrée de gué afin de le réorienter, parfois de 10 cm. Je pense que l’on a passé facilement 2 heures uniquement à positionner cet obstacle. Pierre ne m’en voudra pas de le qualifier de maniaque dans la perfection qu’il cherche dans ses parcours. Que chacun en profite pendant le concours.

Bien évidemment un plan B a été imaginé pour le tracé situé sur les pistes les plus facilement inondables.

J- 1 semaine

L’humeur varie en fonction de la météo et chaque goutte est vécue parfois comme un véritable cataclysme. Mais jusqu’à maintenant la nature a respecté sa logique : crue en octobre, plutôt beau en ce début novembre. Le sol du cross est parfait. Une dernière forte pluie sur les Cévennes il y a 4 jours nous laisse imaginer le possible plan B (rester uniquement sur le plateau en sacrifiant les berges si celle-ci risquent d’être trop humides). La décision sera prise avec le jury au plus tard le mercredi 14 en fonction des dernières prévisions météo.

J- 3 jours

La gestion de dernière minute (positionnement des stands , tirage de câbles, groupe électrogène, etc.) a pris l’ascendant sur la construction du cross. Pierre travaille maintenant avec les bénévoles que nous avons recrutés pour le concours (une centaine !).

Gestion du stress.

Nous avons appris à 2 jours du concours, l’octroi officiel d’une subvention européenne sur laquelle nous comptions énormément pour arriver à équilibrer le budget de la manifestation. Ouf ! Les premiers camions arrivent.

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2012Jour 1

Aujourd’hui nous accueillons le jury. La reconnaissance du cross par celui-ciest prévue à 15h. Nous sommes prêts…à gérer les imprévus. Que chacun nous excuse pour les aléas dus à une première organisation.

Demain à 9h, des cavaliers français et étrangers, dont certains parmi les meilleurs mondiaux, vont fouler l’herbe des Trois Fontaines.

Que tous ceux qui ont participé de près ou de loin à la création de ce concours, qui nous ont accordé leur confiance et leur soutien, soient remerciés de leur investissement et de la folle énergie parfois dépensée pour la réussite de cette manifestation.

Maintenant place à la compétition et que le meilleur gagne !!!

Texte Rafael Mazoyer – photo Pixizone